dimanche 6 octobre 2013

Mémoires d'une jeune fille rangée



MEMOIRES D'UNE JEUNE FILLE RANGEE - SIMONE DE BEAUVOIR

Quatrième de couverture: "Je rêvais d'être ma propre cause et ma propre fin: je pensais à présent que la littérature me permettait de réaliser ce voeu. Elle m'assurerait une immortalité qui compenserait l'éternité perdue; il n'y avait plus de Dieu pour m'aimer, mais je brûlerais dans des millions de coeurs. En écrivant une oeuvre nourrie de mon histoire, je me créerais moi-même à neuf et je justifierais mon existence. En même temps, je servirais l'humanité: quel plus beau cadeau lui faire que des livres? Je m'intéresserais à la fois à moi et aux autres; j'acceptais mon 'incarnation' mais je ne voulais pas renoncer à l'universel: ce projet conciliait tout; il flattait toutes les aspirations qui s'étaient développées en moi au cours de ces quinze années."
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Je suis sortie des Mémoires d'une jeune fille rangée sonnée - et pourtant j'y suis rentrée avec de grands a priori. Je ne suis pas féministe militante, je ne cherche pas à me complaire dans la contemplation d'une élite intellectuelle, je n'avais aucune admiration préalable pour le couple Beauvoir/Sartre, par exemple. Et pourtant, voilà, ça m'a beaucoup plu. L'écriture est fluide, ça se lit très vite (et pourtant je l'ai lu en plein mois d'août, au bord de la piscine pratiquement), très agréablement, très aisément. Simone de Beauvoir est certes très très agaçante au début, à montrer objectivement l'enfant arrogante et sure d'elle qu'elle a pu être; mais au fur et à mesure qu'on la voit grandir, la certitude se soulève. Avec l'adolescence viennent les doutes qui se basent sur des questionnements qu'on a tous eu. Se lance un cri de vie absolue. Simone de Beauvoir s'entraîne elle même à obtenir sa propre liberté, à faire absolument, à vivre vraiment sans laisser les choses faites à moitié.
On grandit un peu, en lisant Beauvoir grandir, je l'admets - excusez moi d'avance de tous ces clichés auxquels j'ai recours dans cet article. Et on sort de l'oeuvre d'abord choqué (je ne pense pas être capable de lire la suite tout de suite, c'était trop réel et marquant, éprouvant, donc, pour que je puisse me relancer tout de suite - mais je ne vais pas vous "spoiler" non plus), puis avide de se mettre à lire et apprendre autant qu'elle. On a envie de vivre pleinement, avec la même recherche constante, la curiosité, l'avidité d'apprendre et de se développer que la jeune Simone de Beauvoir évoluant dans sa propre époque.

CITATIONS: 

"Par ma bouche, le monde entrait en moi plus intimement que par mes yeux et mes mains. Je ne l'acceptais pas tout entier."
"De toute façon, me disais-je, un jour je la verrai moi aussi, face à face, et je n'en mourrai pas: l'idée qu'il y a un âge où la vérité tue répugnait à mon rationalisme."
"Un soir, je reçus de lui une lettre énigmatique: c'était lui qui m'avait ouvert la voie, me disait-il, et maintenant, il restait en arrière, peinant dans le vent, sans pouvoir me suivre: 'ajoute que le vent joint à la fatigue me fait toujours plus ou moins pleurer.' Je m'émus; mais je ne répondis pas; il n'y avait rien à répondre."

BILAN: 


14/20
Je crois m'être assez étalée dans la première rubrique pour ne pas avoir tant de choses que ça à ajouter dans mon bilan. C'est une lecture que je conseille à quiconque s'interroge sur les questionnements intérieurs, sur la quête du soi, de la vie - comment la vivre pleinement et comment essayer de la comprendre, de la défier constamment. Je me répète utilement, parce qu'on peut penser le Deuxième sexe en entendant le nom de Beauvoir et être rebuté très vite, en mentionnant à nouveau le fait que c'est très fluide à la lecture, très agréable et naturel, et que ce n'est pour autant pas du tout simpliste.
Bien sûr, on est amené à réfléchir, mais comme souvent avec les autobiographies (je trouve) on réfléchit plus sur son propre parcours que sur des concepts philosophiques, et on est éprouvé aussi, mais je trouve cela dit que c'est plutôt une aide qu'un mainteneur de névroses!

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6ème lecture pour le challenge


PS: en fait je triche un peu, parce que j'ai déjà lu les ouvrages 7 et 8 de ma liste ABC, mais j'ai pris beaucoup de retard! Donc le reste arrive très vite (Biographie de la faim d'A. Nothomb et Zazie dans le métro de Queneau, pour les curieux ;) ). A bientôt!


jeudi 29 août 2013

Rhinocéros



RHINOCEROS - EUGENE IONESCO

Quatrième de couverture: M. Bérenger est plongé dans une aventure bien curieuse. Il habite une petite ville, et la plupart de ses concitoyens - par un processus incompréhensible - se métamorphosent en rhinocéros. On imagine les perturbations qu'une semblable épidémie peut déclencher dans une petite communauté humaine. M. Bérenger échappera-t-il à cette malédiction? Naturellement il faut aller un peu au delà des apparences: d'ailleurs dans cette rocambolesque histoire d'hommes changés en rhinocéros, il y a une signification philosophique très sérieuse que le lecteur aura le plaisir (ou la terreur) de découvrir.
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Si je n'avais jamais lu Rhinocéros (oui je sais pour une théâtreuse de vingt et un an c'est limite), j'en avait largement été informée du sous texte. A vrai dire, Rhinocéros était dans ma tête "une pièce sur la monté du nazisme" et voilà tout. J'ai eu beaucoup de mal à me débarrasser de ce présupposé massif en commençant ma lecture, et pourtant ça me paraît nécessaire. Entrer en n'ayant que ça en tête, c'est entrer avec de gros sabots dans une oeuvre fine, intelligente, atypique. Bien sûr, Rhinocéros parle de la montée du nazisme. Mais c'est avant tout une oeuvre menée par des personnages très intéressants, dans un monde qui ressemble au notre et qui lui devient délicieusement parallèle, formée d'une écriture très agréable, fluide. Rhinocéros est mille fois moins absurde que la Cantatrice chauve - je ressens le besoin de le préciser parce que la qualification d'auteur de l'absurde colle (et en un sens, justement) à la peau d'Eugène Ionesco et que dans certains cas ça en rebute carrément certains. 
Il y a dans Rhinocéros une satire totale de la logique qui devient elle même l'absurde, et vice versa. Il y a aussi finalement, un grand cri d'humanité - et pas forcément d'humanité belle et superbe, justement. Il s'agit de l'humanité qui survit, mais aussi de l'humanité lâche, vivante malgré elle, de l'humanité avec des principes qui se brisent en quelques secondes et ne valent rien, de l'humanité sous toutes ses coutures qui la rendent tour à tour répugnante ou touchante, belle ou méprisable.

CITATIONS: 

"Il y a des choses qui viennent à l'esprit même de ceux qui n'en ont pas."

"Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout!"

BILAN:











16/20
Vous l'aurez compris je pense, j'ai beaucoup aimé Rhinocéros. J'ai hâte de la voir mise en scène. Le personnage de Bérenger est extrêmement intéressant, anti-héros au possible s'il faut le caser dans une catégorie. On trouve dans le texte une finesse très intéressante, et les différents personnages qui amènent de nombreuses différentes couleurs et qui pourtant deviennent rhinocéros donnent une profondeur à la trame du texte. La fin est assez géniale aussi. Il y a dans le développement des événements une soudaineté délicieuse. Bref, je le conseille absolument, d'autant que c'est assez court à lire. J'ajoute que de mon côté, je n'aime généralement pas lire le théâtre, et que j'y ai cette fois pris beaucoup de plaisir.

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5ème lecture pour le challenge

mardi 13 août 2013

Voyage au centre de la terre


VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE - JULES VERNE

Résumé Livraddict: Dans la petite maison du vieux quartier de Hambourg où Axel, jeune homme assez timoré, travaille avec son oncle, l'irascible professeur Lidenbrock, géologue et minéralogiste, dont il aime la pupille, la charmante Graüben, l'ordre des choses est soudain bouleversé.
Dans un vieux manuscrit, Lidenbrock trouve un cryptogramme : Arne Saknussemm, célèbre savant islandais du XVIe siècle, y révèle que par la cheminée du cratère du Sneffels, volcan éteint d'Islande, il a pénétré jusqu'au centre de la Terre ! Lidenbrock s'enflamme aussitôt et part avec Axel pour l'Islande où, accompagnés du guide Hans, aussi flegmatique que son maître est bouillant, ils s'engouffrent dans les mystérieuses profondeurs du volcan...

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Je n'avais jamais lu de Jules Verne de ma vie - à force, je me disais qu'il était temps.
Et j'ai été extrêmement déçue. Le début est engageant: la première description, celle du professeur Lidenbrock, est très agréable, particulière, différente de ce que j'ai pu lire avant. D'ailleurs, toutes les descriptions de personnages dans cet ouvrage sont selon moi réussies. Cependant, la narration est bardée de beaucoup trop de jargon, et très vite on s'aperçoit que tout est explicité ou vécu à travers des pages et des pages d'explications de phénomènes physiques. Alors certes, je suis loin d'être une grande scientifique et ceci explique peut être cela, pourtant j'ai pris plaisir aux premières explications et hypothèses - c'est simplement qu'il y en a trop, tant et si bien qu'on fini par avoir l'impression que rien ne se passe.
Je me souviens être arrivée à la moitié du livre et m'être aperçue que rien ne s'était encore passé. Jules Verne est après tout réputé pour être un grand écrivain de romans d'aventures, il était normal que je m'attende à rêver, voyager un peu. J'ai fini, en continuant à avancer, par comprendre que si j'avais l'impression que rien ne se passait, c'était parce que rien n'était véritablement développé, et parce que quand l'action prenait lieu, elle était encore une fois décrite à travers des considérations physiques multiples. De même, la fin me semble un peu hâtive, facile.
Vous l'aurez compris, je ne vais pas m'attarder sur cette chronique étant donné le peu de choses que j'ai trouvé dans l'ouvrage.

CITATIONS:

"Une heure après, la capitale du Danemark semblait s'enfoncer dans les flots éloignés et la Valkyrie rasait la côte d'Elseneur. Dans la disposition nerveuse où je me trouvais, je m'attendais à voir l'ombre d'Hamlet errant sur la terrasse légendaire. « Sublime insensé! disais-je, tu nous approuverais sans doute! Tu nous suivrais peut être pour venir au centre du globe chercher une solution à ton doute éternel!» "

"- Ainsi nous voyageons sous l'Atlantique?
- Parfaitement.
- Et dans ce moment une tempête s'y déchaîne peut être, et des navires sont secoués sur notre tête par les flots et l'ouragan?
- Cela se peut.
- Et les baleines viennent frapper de leur queue les murailles de notre prison?"

"Silence général. Le vent se tait. La nature a l'air d'une morte et ne respire plus."

BILAN:


















10/20
J'accorde malgré tout la moyenne au roman pour l'idée même du voyage et la qualité des descriptions de personnages. Le fait que ce soit narré à la première personne par le pupille du professeur Lidenbrock donne aussi une certaine richesse à l'oeuvre. Après en avoir discuté pas mal autour de moi (hé oui, j'étais quand même vraiment déçue de ne pas accrocher au fameux Jules Verne) on est plusieurs à se demander si le manque d'engouement pour l'oeuvre et la sensation de vive à la fin de la lecture ne vient pas du fait qu'elle aie finalement un peu mal vieilli. Enfin, je compte quand même essayer d'en lire d'autre, je n'ai pas envie de rester sur cet échec, donc je vous tiens au courant de tout cela!

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4ème lecture pour le challenge

mardi 25 juin 2013

L'inattendu



L'INATTENDU - CHARLES JULIET

Quatrième de couverture: C'est un petit paysan, un enfant sensible, attachant. Il découvre le monde des adultes, la vie, la peur, la tendresse. Il se livre à ses premières expériences, douces-amères ou tragiques.
Enfant de troupe, il connaît la solitude, l'ennui, la cruauté de certains chefs, mais aussi l'amitié.
Plus tard, avec le retour à la vie civile, c'est une autre solitude, une autre forme d'ennui et de désespoir.
Mais il y aura cette ouverture, cette lumière possible, que suggère une rencontre inattendue: l'épilogue, longtemps après, de L'année de l'éveil.
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J'ai voulu lire l'Inattendu parce qu'il y a deux ans, je suis tombée amoureuse de Charles Juliet en lisant Lambeaux, qui fait certainement partie de mes ouvrages préférés, et qui m'a secouée, émue et apprit dès les premières phrases.
En commençant l'Inattendu, j'ai passé peut être les cinquante premières pages à être déçue. Sans doute parce que j'en attendait énormément, je m'attendais à être secouée et emportée dès le départ. Au contraire, ça commence de manière assez simple, on a la description de la vie du petit paysan. En effet, ça a un côté émouvant, mais ça ressemble à la plupart des romans d'initiation qui peuvent se lire. L'écriture est simple, ça se lit très vite, et franchement ça prendre une forme de récit assez banale qui m'a personnellement déçue.
Et puis les différentes parties se succèdent, et d'une partie à l'autre, Juliet change la narration en parlant du "il" au "je". Dans la première partie le personnage principal est constamment appelé "l'enfant", ce qui donne un sentiment étrange mais intriguant. Et puis on plonge dans le "je", et on découvre le personnage de plus en plus près - c'est un effet de narration très intéressant et agréable.
Ce qui a commencé à m'émouvoir au bout d'une cinquantaine de pages, c'est qu'ayant lu Lambeaux qui est un roman autobiographique, je connais un peu les morceaux d'histoire importants et qui posaient problème dans la vie de Juliet (apprendre que sa mère est en fait sa mère adoptive à la mort de sa mère naturelle, etc). Or dans L'inattendu, on retrouve ces choses, qui arrivent précisément à l'enfant. C'est cependant évoqué de manière évasive, rapide et timide, et ce que j'ai trouvé beau (mais peut être est-ce mon imagination qui s'emballe), c'est qu'il a écrit l'Inattendu avant d'écrire Lambeaux et qu'en lisant la dernière partie de Lambeaux qui parle de la difficulté déchirante d'écrire, de s'écrire, on peut tout à fait s'imaginer que dans l'Inattendu, il lutte terriblement parce qu'il a besoin de parler de ça mais qu'il n'y arrive pas parce qu'il n'est pas prêt, pas encore. Je trouve ça sublime, ça a fait renaître en moi ce que Lambeaux a secoué à l'époque, de voir cet auteur qui se fait pudique à essayer d'explorer à travers une tierce personne ce qu'il ne peut pas encore extérioriser.

CITATIONS:

"En un sursaut de volonté, je me reprends. Et dominant mon affolement, refusant de mourir, je me bats, lutte, effectue sans trop de hâte mes mouvements, nage avec décision et vigueur.
Le soir, durant le repas, j'ai du mal à contenir mon allégresse, et sens que je pourrais faire un peu n'importe quoi. Par exemple, sauter sur la table, me dresser de toute ma hauteur et leur révéler d'une voix nette ce que j'ai eu l'audace et le courage d'accomplir. Mais à ma joie se mêle de la colère. Car ils continuent de me parler comme avant. Ils n'ont pas perçu que je suis devenu quelqu'un d'autre."

"Avant que tu ne partes, je veux également te dire ceci: il aurait suffi d'un rien pour faire de toi un type exemplaire. Au lieu de ça, tu es un petit voyou. Mais à tout bien considérer, je ne veux pas m'en plaindre, car il n'y a qu'avec des gars comme toi qu'on peut arriver à quelque chose. Les autres, ça ne vaut rien. C'est de la merde. Toi, tu es une bonne petite graine de révolté. Tu as de l'orgueil, de la tripe, tout ce qu'il faut pour devenir un vaillant officier. Quand tu auras passé quelques mois sous ma coupe, tu verras, ce sera parfait. Je t'aurai appris combien il est exaltant d'être un chef et d'exercer un commandement. Tu vois, mon petit, les homes, ce ne sont rien d'autre que des marionnettes. Dès que tu as un peu de psychologie, tu les manoeuvres comme tu veux. Tu joues sur la bêtise, sur l'amour-propre, sur le désir de paraître, tu enrobes tout ça avec un peu de flatterie, et ça marche à tout coup."

BILAN:

14/20
Certes, j'ai mis 19 à Lambeaux et 14 à l'Inattendu: ça fait une certaine chute de note. Mais c'est principalement parce que le début m'a vraiment déçue, principalement parce que j'avais de grandes attentes, que je me souviens de manière vivace du bouleversement qu'a produit Lambeaux en moi, et que je n'ai pas retrouvé d'abord ce que je cherchais. Attention: je ne dis pas que je ne cherche qu'à ressentir des émotions quand je lis un livre. Mais en l'occurrence la prose de Juliet me paraissait un peu trop simple pour aborder la description d'une vie paysanne, d'un roman d'initiation. J'ai très vite compris que je me trompais, et qu'au contraire, l'écriture de Juliet est tout en subtilité et surtout, tout en délicatesse. La dernière partie du livre, qui s'appelle justement l'Inattendu, touche à l'humble sublime. On en ressort secoué, avec une énorme boule dans le coeur, le corps, la gorge - peut être même à deux doigts de pleurer.
En bref, je le recommande chaudement (je recommande même de lire Lambeaux puis de lire l'Inattendu), et de mon côté je me suis empressée d'ajouter tout le reste de la bibliographie de Charles Juliet à ma wish list!

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3ème lecture pour le challenge



samedi 15 juin 2013

L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche

L'INGENIEUX HIDALGO DON QUICHOTTE DE LA MANCHE (1 et 2)
J'ai pris le parti de ne pas m'affoler sur le challenge ABC de cette année. C'est mon premier, et je m'y suis surtout inscrite pour me contraindre (ce n'est pas le mot exact étant donné que j'y prend plaisir, mais enfin) à lire des gros classiques qui me faisaient peur, ou que je n'ai pas eu le temps de lire pendant mes années prépas.
Donc, Don Quichotte, monument de la littérature, inspiration de nombreuses peintures et mythe, faisait partie de ma liste. Je voulais le lire depuis bien longtemps, parce que, comme beaucoup de gens, l'image d'un homme assez perdu dans son imaginaire pour attaquer des moulins en hurlant que ce sont des géants me séduisait beaucoup.
Est-ce que j'ai vraiment besoin de présenter l'oeuvre de Cervantes? Don Quichotte est l'habitant aisé d'une petite ville d'Espagne qui lit trop de romans de chevalerie. Il est dans la quarante/cinquantaine, n'est pas marié, et décide un jour de s'établir chevalier errant et de partir sur les routes à la recherche d'aventures avec un paysan de son village, Sancho Panza. Sancho est d'abord présenté comme un idiot gros plein de soupe et grossier, Don Quichotte comme un illuminé fini, un pauvre type qui n'a pas vécu grand chose et du coup délire en prenant ses rêves pour réalité. Les aventures qu'ils vivent sont fausses et grotesque, le ton est tout à fait à la farce.
Et c'est principalement pour ça, en fait, que j'ai eu beaucoup de mal à aller jusqu'au bout du tome 1. Parce que je m'attendais à quelque chose de poétique, une fresque pathétique mais sublime d'un fou rêveur qui parcoure l'Espagne et s'invente mille vie. Je vous spoile la chose tout de suite: l'épisode des moulins fait à peu près cinq lignes sur un tome de 577 pages. J'ai été déçue pendant un bon moment, et je me suis un peu forcée à continuer d'une part parce que je n'aime pas abandonner les livres en cours de route, d'autre part parce qu'il me fallait trouver une raison à tous les mythes et toutes les fascinations que ce roman a pu déclencher. J'ai donc avancé, et je suis arrivée vers le milieu/fin du tome 1, où commencent à se raconter de longues histoires dans la bouche d'autres personnages que l'on rencontre, qui déversent leurs malheurs puis que l'on quitte. Et c'est un peu devenu comme les Mille et une nuits, associé au sous texte qui naît peu à peu du profond pathétique de Don Quichotte qui finalement amène l'attendrissement aussi bien que le rire (parce que oui: on rit). J'ai continué donc, plus pour continuer à lire les différentes histoires des différents figurants que pour suivre le périple de Don Quichotte et de son fidèle écuyer. Et c'est comme ça que j'en suis arrivée à finir, après de biens longs jours, le tome 1.
Le tome 2, je trouve, devient plus subtil (ou alors c'est moi qui suit devenue plus subtile à force de fréquenter les personnages et la plume, je ne sais pas). Est donnée aux personnages une profondeur supplémentaire. Don Quichotte qui n'était qu'un pauvre illuminé grotesque et pathétique se voit renforcer son caractère extrêmement sensé. Oui, il croit qu'il est renommé par ses exploits fantastiques et qu'il a vu mille merveilles au fond d'une caverne, mais il tient aussi des discours presque philosophiques, emplis de sagesse - et le pathétique et l'attendrissement qu'il provoque ne fait que s'accentuer vers la fin. Don Quichotte n'est qu'un avide lecteur qui cherche de plus en plus d'histoire à vivre, et qui à force, en crée par lui même. Sancho, lui, enfile les proverbes dans ses phrases jusqu'à ce qu'ils n'aient plus l'air d'avoir aucun sens, mais gouverne ce qu'il croit être un archipel avec mesure, ne s'avachit pas dans l'excès, n'abandonne pas son maître malgré les aventures malheureuses d'où il sort souvent abîmé où il le traîne, se révèle ne pas être si glouton que ça - suit son maître dans sa folie, montre toujours des signes de bêtises, mais reste loyal et parfait dans l'archétype du valet (bien qu'il ne soit pas que ça). Bien sûr la sottise et la farce est toujours présente, mais elle prend un tour encore plus ambigu. Maintenant, j'aimerais bien lire des essais sur Don Quichotte. Je crois qu'il s'agit d'un tel monument de la littérature qu'il est difficile de ne pas le lire s'en s'intéresser à tout ce qui s'est développé autour. Ca donnera à la chose une dimension bien plus profonde (puisqu'après tout, ma critique de gamine de vingt et un an n'est là que pour me rappeler ce que j'en pensais dans vingt ans, et aussi pour éventuellement aiguiller certains d'entre vous, si possible, mais sans autre prétention aucune).

Je vais donc enchaîner mon challenge ABC 2013 sur L'inattendu, de Charles Juliet. Bonnes lectures à tous!

CITATIONS (il n'y en a qu'une seule d'abord parce que je n'en ai pas beaucoup - j'ai eu un certain mal avec la plume de Cervantes - et parce que les autres spoilent un peu trop à mon goût):

"Le jour se leva, plus tôt qu'on ne l'attendait, comme si le soleil n'avait pas voulu manquer le spectacle de ce sacrifice."

BILAN:

1. 13/20 - 2. 14/20
Il est dit de Cervantes qu'il a écrit Don Quichotte suite aux échecs répétés de ses précédents manuscrits, frustré de voir que les romans de chevalerie se publiaient comme des petits pains à son époque. Il a d'une certaine manière détourné la tendance. Il est également dit qu'il détestait Don Quichotte. Pour ma part, j'ai lu le deuxième tome de Don Quichotte de la même manière que j'ai pu lire les Trois Mousquetaires quand j'étais plus jeune: d'une traite, sans chercher l'implicite plus avant. Je me suis attachée aux personnages peu à peu (assez lentement étant donné le mal que j'ai eu à lire le tome 1) et j'ai refermé le livre avec une grande tristesse de m'en séparer, surtout sur cette note là que je ne vous dévoilerai pas.
Si vous avez, donc, le courage de vous lancer dans ces deux tomes-géants de la littérature, je vous y encourage. Ayez cependant conscience, en ouvrant le premier tome, que vous serez peut être décontenancés par un style d'écriture très particulier et très farcesque beaucoup plus que poétique, qu'on sent venu d'une époque lointaine et qui pourtant est terriblement moderne.

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2ème lecture pour le challenge



vendredi 12 avril 2013

Frida Kahlo - Rauda Jamis


FRIDA KAHLO - RAUDA JAMIS

Quatrième de couverture:  Frida Kahlo (1907 - 1954) vécut déchirée entre de terribles souffrances physiques (à dix huit ans, un accident de bus la cloue au lit pour deux ans) et une immense force de création (elle commence à peindre, un miroir installée au dessus d'elle, pendant qu'elle est immobilisée). Par-delà la beauté célèbre, ses amours, celles de son mari, Diego Rivera, ses voyages, les mille et une anecdotes ponctuant une existence tumultueuse et riche, reste son art, dont André Breton disait que c'est "un ruban autour d'une bombe".
Prix: 9,50 €

Par hasard, pendant un week end pluvieux, je suis tombée sur le film Frida de Julie Taymor, biopic sur la peintre Mexicaine du même nom. Je l'avoue, je l'ai regardé parce que je n'avais pas grand chose d'autre à faire - je ne suis pas une grande passionnée des arts plastiques, je ne connaissais à peine le travail de ce peintre. Je me suis cependant retrouvée témoin d'une vie absolument terrible et absolument splendide à la fois, à une introduction parfaite à la peinture de la grande Frida, souffreteuse, traditionnelle un peu, surréaliste bien que refusée comme telle, joyeuse, terriblement triste également. Frida Kahlo peint sa vie et les souffrances innombrables qui l'ont peuplées à travers ses nombreux autoportrait, et j'y ai retrouvé ce thème de la souffrance du corps, de la bataille contre l'impossible, de l'art coûte que coûte qui me touche beaucoup.
Je ne vais pas épiloguer là dessus non plus, c'était simplement pour dire que le visionnage de ce film m'a donné envie de me pencher plus sur le personnage et que l'ouvrage de Rauda Jamis semblait être le plus simple et le plus intéressant sur la question.

Je ne vais pas faire un article ordinaire, c'est un peu différent à traiter, les biographies, je trouve. Il y a à la fois une prétention littéraire (particulièrement dans celle ci je trouve) mais aussi une volonté de raconter les faits de manière assez objective, ce qui brise un peu le vrai travail d'écriture, je trouve (mais je me trompe peut être).
Comme je l'ai dit dans mon rapide commentaire sur Livraddict, c'est une lecture qui m'a intéressée bien sûr, qui m'a donné de nouveaux éléments sur Frida la Belle. Le parti pris de l'auteur d'utiliser une narration assez neutre en parallèle avec une narration à la première personne faite par Frida Kahlo qui, comme dans ses tableaux, donne un regard sur sa vie, est très intéressant et donne un peu plus de charme qui efface le côté purement biographique. Cependant, je me suis trop passionnée pour Frida peut être, et je trouve que le tout manquait un peu de force émotionnelle, qu'on y retrouvait peu dans les mots la violence profonde de cette vie martyrisée et pourtant voulu joyeuse.

BILAN:

12/20
Ca reste malgré tout un bon exposé des faits, agréable et rapide à lire si l'on veut se renseigner sur cette grande peintre à laquelle j'ai réussi à m'attacher. C'est agréable, d'être tenu dans cette illusion qu'on entend sa voix directement.
Après il est clair que si l'on s'intéresse vraiment à la question, il faut d'abord, je pense, s'immerger totalement dans toutes ses toiles. Et c'est ce que je compte reprendre dès maintenant!

Bonne journée à vous!


dimanche 3 mars 2013

Anna Karénine

ANNA KARENINE - TOLSTOÏ

Avec un grand retard sur le programme, Anna Karénine est donc la première lecture effectuée dans le cadre du Challenge ABC 2013 de Livraddict. Je n'ai pas regretté une seule seconde de l'avoir mis un peu par hasard dans la liste des livres à lire et d'avoir entamé l'année avec. Non, je n'irai pas contre le courant des bloggers littéraires qui font des chroniques dithyrambiques sur l'oeuvre de Tolstoï. Si j'ai mis longtemps à le lire, si je trouve qu'il y a quelques longueurs et que je suis un peu perdue au niveau des statuts des différents personnages, j'y ai éprouvé des émotions incomparables que je n'avais pas ressenties depuis un bout de temps.
Je passerai très vite sur le résumé de l'oeuvre parce que je pense que tout le monde le connaît. Le paysage de la société russe du XIXème siècle nous est offert à travers l'histoire d'Anna - qui justement va à l'encontre des conventions, en quête d'absolu, de vérité. Elle se perd dans cette recherche en allant chercher l'absolu de l'amour dans les bras d'un jeune amant, Vronski, pour qui elle quitte son très respecté mari et déclenche la chute que le non respect des conventions et le fait de choquer la société provoque. Parallèlement, on suit Lévine (dont Tolstoï dira qu'il s'agit en fait de lui même), jeune homme qui finalement ressemble à Anna sur plusieurs points, notamment sa haine du mensonge de la société. Son amour de la campagne pure opposée à la ville sale, ses réflexions philosophiques et idéologiques et la difficulté qu'il éprouve à accéder à une vie de famille telle qu'il la rêve rythme la moitié du roman.
On suit donc parallèlement ces deux personnages évoluant dans la même société, liés par d'autres personnages du roman sans jamais se rencontrer avant la fin. J'ai longtemps été troublée pendant ma lecture pour la simple et bonne raison que pendant plus de la moitié du roman, j'ai trouvé Anna effacée, dénuée du panache ou du lyrisme que j'ai pu trouver chez d'autres héroïnes, dotée d'un amant que je trouvais particulièrement fade et qui, selon moi, ne la méritai pas une seule seconde. A côté de ça il y avait Lévine, selon moi beaucoup plus mis en valeur dans le respect de ses propres principes, dans la rigueur de ses idées ou en tout cas de ses agissements face à la société et son isolement symbolique. Lévine pour moi a été le héros de l'oeuvre que je lisais pendant très longtemps. Et puis un peu plus loin que la moitié, j'ai commencé à percevoir ce que la narration ne disait pas forcément, en prenant du recul. Je me suis prise à aimer Anna comme une amie très chère - sans déprécier Lévine pour autant.
Mes amours ou désamours pour les personnages mis à part, ce qui pour moi est le plus important à souligner dans l'ouvrage, c'est cette capacité frappante de Tolstoï à saisir de manière terriblement juste les émotions, sensations, réactions humaines. Pas seulement celles qu'on est habitués à voir en littérature (l'amour, la jalousie - qui par ailleurs sont superbement écrites aussi) mais aussi des petites réactions bénignes qu'on a l'impression d'être seul à avoir. On se reconnaît dans les mots de Tolstoï, dans ce roman qui, paradoxalement, est tout à fait intemporel pour moi parce qu'il a quelque chose de très moderne (place de la femme mise à part, bien entendu). Je ne parle pas d'identification à un personnage - parce que pour moi ce ne fut pas spécialement le cas - mais de reconnaissance dans le côté profondément humain que Tolstoï donne à chacun de ses personnages. Aucun d'entre eux n'est un "type", ni un "archétype". Ce sont des personnes qui réagissent tout à fait à leur manière, très justement.
La première phrase du roman me paraît bien annonciatrice de ce qui arrive au lecteur pendant la lecture d'Anna Karénine. Tolstoï ouvre son roman par un magistral: "Toutes les familles heureuses se ressemblent. Chaque famille malheureuse, au contraire, l'est à sa façon." En lisant Anna Karénine, on entre tout à fait dans une famille, au sens très large que cela peut avoir, et avec toutes les implications que ça entraîne: les émotions - le rire OU les larmes, l'attente, l'inquiétude, l'espérance...
Le côté émotionnel mis à part, la plume de Tolstoï, finalement simple - dans le sens où elle est très fluide - est très agréable à lire. Je n'aurais jamais vu et ne verrai sans doute jamais une scène d'accouchement aussi bien écrite, ni une scène de déclaration d'amour aussi charmante sans être totalement niaise pour autant. Je pourrais encore énumérer de nombreux passage qui m'ont littéralement soufflée - mais je vous laisse le bonheur de les découvrir vous même.

CITATIONS (je ne vous mets pas toutes celles que j'ai retenues parce que sinon on n'est pas sortis de l'auberge, et surtout parce que ma chronique commence à se faire bien longue): 

"Tout s'arrangera, tout s'arrangera. Nous serons si heureux! Si notre amour était susceptible d'augmenter, il grandirait du fait qu'il y a en lui quelque chose d'horrible!"

"Son père pensait que l'enfant ne voulait pas apprendre ce qu'on lui enseignait; en réalité il ne le pouvait pas, parce que son âme avait des besoins très différents de ceux que lui supposaient son père et son professeur; et il luttait contre ses éducateurs. A neuf ans, ce n'était qu'un enfant, mais il connaissait son âme, elle lui était chère et il la défendait, comme la paupière protège l'oeil, contre tous ceux qui voulaient y pénétrer sans la clef de l'amour. Ses maîtres lui reprochaient de ne pas vouloir apprendre, mais son âme brûlait du désir de savoir."

"En effet, nous autres, nous mangeons, buvons, chassons, ne faisons rien, et lui travaille sans répit. Pourquoi cela? dit Vassenka Veslovski, se posant évidemment, pour la première fois de sa vie, cette question, ce qui en augmentait la franchise."

BILAN:

 17/20
Et largement mérités. Si je n'ai pas mis plus, c'est simplement que certains longs chapitres sur l'idéologie de Lévine et ses travaux à la campagne m'ont parfois un peu lassée - comme pas mal de gens, il me semble. Et c'est également parce que, si la fin m'a donné Anna en héroïne sublime, j'ai du longtemps l'attendre au début du roman et ça me décevait franchement.
Je crois que le fait que je trouve Vronski et Kitty assez fade n'aide pas non plus la chose.
Ces rares points négatifs mis à part, le roman reste une splendide découverte qui m'a apporté beaucoup de réflexions et d'émotions, qui a déclenché des questionnements et puis, plus primitivement, qui m'a fait entrer dans la littérature russe!
Je le conseille donc vivement. S'il y en a que le côté pavé rebute, rassurez vous tout de suite! Certes, j'aime les pavés, donc ça ne m'a pas dérangé outre mesure, mais quand bien même j'aurais trouvé ça trop long avant de m'y plonger, la fluidité et la justesse de la plume de Tolstoï effacent tout de suite ces craintes. A part quelques passages avec Lévine qui forcent la réflexion philosophique si on s'y intéresse, tout le reste de la prose est, sans être simpliste (LOIN DE LA!!), tout à fait simple à lire, et les réflexions qu'elle apporte se déclenchent d'elles mêmes et intriguent plus qu'elles ne hantent.
Je crois que je me suis tellement attachée à Anna et à l'atmosphère du roman que je supporterais difficilement de voir une adaptation cinématographique, et pourtant je comptais voir celle de Joe Wright. Tant pis! Je gagne au change, je crois.
Enfin, bref, tout ça pour dire: laissez vous entraîner dans la danse!

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Lu dans le cadre du 

La huitième couleur


LA HUITIEME COULEUR (PREMIER TOME DES ANNALES DU DISQUE-MONDE) - TERRY PRATCHETT

En commençant ce blog, j'étais sur le point de lire Bilbo le Hobbit - et je m'étais dit que je ne ferais pas de chronique sur les romans fantastiques que je lisais parce que ça me paraissait étrangement compliqué à faire, ou peut être que j'avais peur de ne pas trouver assez de choses à dire pour une raison qui m'échappe. Le tome 1 des Annales du Disque-Monde, la Huitième couleur, me fait aujourd'hui revenir sur ma décision première. Pourquoi? Peut être tout simplement parce qu'il s'agit d'une parodie du fantastique, à lire avec un troisième voir quatrième voir plus si affinités degré, que c'est terriblement fin et drôle, que ça part dans tous les sens sans pour autant (si on ne perd pas l'objectif humoristique de l'ouvrage) perdre le lecteur.

Pour faire un bref résumé de la Huitième couleur, je dirai qu'on y fait la rencontre de deux personnages principaux (qui eux mêmes font la rencontre l'un de l'autre): Deuxfleurs l'étrange touriste avec son bagage féroce à dix pieds et Rincevent, mage raté. Au fur et à mesure qu'on avance dans le roman, on s'aperçoit qu'ils ne sont en fait que les pions du jeu de société auquel jouent les dieux (le Destin et la Dame, principalement). Ils passent de ville en ville, et plus précisément pour Rincevent de galère en galère, font des rencontres étonnantes, se retrouvent dans des situations absurdes et mortelles et s'en sortent toujours de manière complètement tarabiscotée. La Mort, qui est selon moi le ressort comique principal de ce premier tome, intervient fréquemment, très souvent blasée de louper ses cibles, rappelant irrésistiblement la Mort dans un épisode de Avez vous déjà vu? épique dont se souviennent les connaisseurs (et que je mets en lien pour les autres parce que franchement, le genre d'humour m'y fait penser et qu'on ne s'en lasse pas). Je ne révélerai pas les autres raisons pour lesquelles j'ai bien ri parce que ce serait dommage, mais j'espère que la simple évocation de la Mort vous donnera envie de vous plonger dans Pratchett!

S'il y a des moments où j'ai bien failli décrocher (parce que l'idée de faire un roman parodique, c'est bien sympathique, mais qu'à force d'abuser de noms compliqués de créatures délirantes et des situations débiles parfois on s' perd), la fin a confirmé mon envie de poursuivre dans ces Annales du Disque-Monde. Elle est délicieuse, et surtout ouvre déjà sur une toute nouvelle aventure dont on a clairement envie de faire partie!

BILAN:













12/20
Pourquoi juste 12? Parce qu'on m'a bassinée avec Pratchett pendant des années pour que je m'y mette, et que si j'ai bien aimé et beaucoup ri, je m'attendais à carrément mieux. Cela dit, je suis assez accrochée et trouve qu'il y a assez d'inventions qui relèvent du génie pour continuer les Annales du Disque-Monde, d'autant que d'après ce qu'on m'a dit, ce tome 1 n'est tout simplement pas le meilleur. Je vous tiendrai donc au courant dans mes futures chroniques quand j'en aurai lu d'autres! En attendant si vous voulez passer un bon moment enrobé d'humour bien anglais/bien absurde (je mets les deux même si je pense que c'est, en quelque sorte, un pléonasme, héhé), de situations délirantes et de jeux de mots tellement ridicules qu'ils en sont irrésistibles, mettez vous donc à Pratchett!

dimanche 6 janvier 2013

Belle du Seigneur


BELLE DU SEIGNEUR - ALBERT COHEN

J'ai donc fini l'année 2012 en compagnie de Solal et d'Ariane, en compagnie de Belle du Seigneur d'Albert Cohen. Ca faisait un certain temps que j'avais envie de m'y plonger - peut être à cause de la fascination que j'avais, enfant, pour les livres-pavés - et puis j'ai fini par me laisser convaincre. Ca m'a évidemment pris un certain temps, et finalement au moment où je rédige cette note je me demande si la difficulté que j'ai éprouvé à trouver une manière de parler de cette lecture n'est pas en grande partie liée à cette abondance de l'ouvrage. Je parle d'abondance en parlant de sa taille, mais en fait je ne sais si elle vient uniquement de ça. Parce que Belle du Seigneur, longueur mise à part, est un roman abondant. On y lit beaucoup de longs monologues dans lesquels on étouffe parfois parce qu'il n'y a aucun point et qu'on attend juste d'en arriver au paragraphe suivant où la ponctuation nous rendra notre souffle. On y trouve cependant beaucoup de matière à réflexion... J'ai passé tout le début de ma lecture à être enchantée de ces personnages complètement atypiques et étranges, doucement fous, toujours en recherche de nouvelles identités à s'inventer dans leurs mondes imaginaires. Les longues descriptions administratives et bureaucratiques de la SDN étaient justement rattrapées par ça (parce que, soyons honnêtes, j'ai eu tendance à en zapper une partie). On prend petit à petit conscience qu'on prend plaisir à haïr le méprisable petit Adrien Deume - méprisable parce qu'Albert Cohen s'efforce de le peindre comme tel à nos yeux, et y parvient avec maestria.
Et puis l'intrigue évolue, et la narration se perd dans la description des débuts d'une passion partagée. Pendant tout ce milieu de livre je me suis prise à m'ennuyer franchement, moi qui pendant tout le début avait eu du mal à déposer le bouquin pour manger. J'ai avancé coûte que coûte. Et puis est arrivé le véritable thème du roman selon moi, c'est-à-dire, pour user d'un cliché: "que se passe-t-il après le ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants?" Si moi j'use d'un cliché, Albert Cohen, lui, grave une description cruelle, désespérante et prodigue - une variation virtuose autour de ce thème. En trois pages, les sentiments du lecteur qui étaient déjà vifs, comme s'il était un des personnages (sans qu'il y ai véritablement d'identification à un personnage précis par ailleurs) - oui, on les sent véritablement - sont littéralement retournés. On se met à éprouver de la pitié pour le petit Deume qu'on a méprisé avec une ardeur rare, etc (je ne vais pas non plus tout dévoiler).
Si vous n'allez pas bien, évitez Belle du Seigneur. Si le début vous fera certainement du bien, la deuxième moitié vous enfoncera complètement. Solal est un personnage ambigu qu'on aimerait aimer profondément et qu'on trouve détestable parce qu'il est méprisant sans même le vouloir et qu'on se sent visé et c'est très désagréable. La fin est interminable non pas parce qu'elle est mauvaise, mais parce qu'en tant que lecteur on meurt lentement, on voit quelque chose s'épuiser petit à petit, et ça devient lourd, à la limite du supportable.
Ariane comme Solal ne sont au fond qu'un homme et une femme. C'est peut être ce qu'il y a de plus déchirant quand on lit cette oeuvre. Tout devient profondément pessimiste et triste et lourd.

BILAN:


13/20
Oui, juste 13. Je suis moi même un peu déçue de ne pas avoir pu mettre plus. J'ai vraiment passé tout le début de l'ouvrage à être plus enthousiaste que je ne l'ai été depuis longtemps en lisant un roman. Et puis l'enthousiasme est petit à petit retombé au fur et à mesure que j'avançais - je ne pense pas que ce soit à cause du pessimisme évident qui se dégage, non. Seulement, il me manquait quelque chose. Un peu du génie des personnages qui se dégageait au début. Un peu de Saltiel, d'Ariane escaladant l'Himalaya. Et puis se déclenchent des réflexions et des remises en questions qui sont fort désagréables. Oui, je crois pouvoir dire que le roman a un côté certainement antipathique vis à vis du lecteur que j'ai eu du mal à accepter.
Le livre est à lire parce que la peinture de la passion qui s'étiole, se gangrène, se violente, que nous offre Cohen est incroyable - de réalisme? Je ne sais pas, au lecteur de prendre le parti d'être lui même pessimiste ou non. Et surtout, je pense que la manière dont l'auteur joue avec nos sentiments est incroyable. Je n'ai jamais ressenti chaque chose de manière aussi vive en lisant. Quitte à me sentir absolument manipulée par Albert Cohen qui semble précisément savoir ce qu'il veut nous faire sentir, et quand. Si ça peut avoir un côté carrément désagréable, ça peut aussi absolument émerveiller de ce que les mots peuvent faire. Du reste, si l'agonie de la fin (je ne vous dirai pas l'agonie de quoi sinon ça n'a aucun intérêt) a beau être terriblement désagréable et anxiogène, la fin en elle même n'est absolument pas décevante. En voilà, une fin qu'on a été préparés à accepter totalement et même à approuver avec soulagement!
En bref, je conclurai en disant que si vous décidez de lire le livre - et je vous y encourage malgré tout - il faut le faire en étant prêt à en ressortir avec une grosse boule amère dans la gorge.